De l’orthorexie à l’instinct
Elle sort sur la table tout ce qu’elle donne à ses enfants
au petit dej comme au goûter…
Des gâteaux… des Kinder, des Lu…
« Et ils ne sont jamais malades ?
– Ben non… et ils ont un dessert à chaque repas.
Et ils ont même des bonbons à disposition
mais en fait, ils n’en prennent même plus… »
Moi, ma fille a vidé
un paquet entier de bonbons
au dernier anniversaire où elle a été invitée…
La frustration du manque qu’elle vit à la maison
semble balayer toutes ses capacités naturelles
à se réguler par elle-même.
J’imagine alors lâcher du leste
et faire pareil que cette amie :
Leur faire confiance
et répondre à leur demande
en parallèle à l’alimentation saine
que j’aime leur cuisiner…
…mon souffle s’emballe,
ma respiration s’accélère…
Je panique…
…j’entends une voix monter en moi :
« non, ça va les tuer »..
C’est mon métier, je sais que je suis au cœur même
d’une nouvelle carte au trésor…
… je suis en train de contacter
la mémoire qui est à l’origine
de ma peur de la malbouffe…
…celle qui a polarisée « mal »
la nourriture qui n’apporte rien au corps
et doit être éliminée…
…tout ce qu’on m’a inculqué
jour après jour depuis petite
sur les effets de la nourriture.
…40 années de conditionnement par la peur.
J’ai peur de tout ce que je mange
et de tout ce que je donne
à manger à mes enfants…
La panique monte en moi
et avec elle la voix de ma mère :
ses milliers de conseils alimentaires,
ses peurs de grossir et de la maladie
et tous ses interdits…
… c’est comme si mon enfant interieur
avait accepté la frustration et les privatisations
en mémorisant dans ma chair :
« ok, ça c’est vraiment toxique
sinon on ne me ferait pas subir ça… ».
La panique monte et avec elle les milliers de lignes
lues sur le sujet avec des démonstrations
toutes prouvées scientifiquement…
…les veganes et les vegetariens,
les paleo et pro-viande
(puisqu’on n’est plus proches de l’ours que du singe
côté alimentation)
les alimentations vivantes, crues,
et tous ceux qui prouvent
que leur vérité est vraie
parce qu’elle est vraie pour eux
et pour les gens qui témoignent comme eux.
La panique monte et je la laisse faire.
Je me laisse pleurer ma peur devant mon amie.
Je traverse ma carte au trésor.
Et puis je pose les mots
qui viennent avec la peur
comme je l’aurais fait avec un patient :
« mais je vais les tuer… ».
Et j’éclate en sanglots.
Je laisse toute cette accumulation
de peur de manger sortir de moi…
Et mon corps s’apaise enfin…
La peur est partie…
…et le trésor arrive :
la joie, la confiance, la liberté retrouvée.
Sans la peur, dépolarisée,
je sais intimement que le corps est conçu pour l’homeostasie.
Il sait se nettoyer lui-même.
Je n’ai pas peur.
Je vois le monde sous un autre jour.
Je vois…
…mon mari
qui se nourrit depuis 20 ans
de tout ce qui lui fait plaisir :
pizzas, pâtes, steaks, pain,
joie, plaisir, échanges humains.
Il vient de faire un bilan de santé
à ma demande :
il n’a aucune carences,
aucun problème.
… mes patients
Ceux qui sont en surpoids sans faire d’excès
Ceux qui sont maigres
alors qu’ils mangent sans arrêt.
Sans parler de ceux
qui perdent 20 kg après
avoir évacué une grosse carte au trésor
et laché des peurs viscérales
qui faisaient de leur poids
leur meilleur allié…
Une protection contre le regard
un cocon d’amour autour de soi…
…les inuits sur leur banquise
qui mangent du phoque,
ou les indiens d’Amérique
qui mangent du bison…
Ils vivent vieux et en bonne santé.
Il n’y a pas de poireaux sur la banquise,
pas de salade vertes, de fruits,
de curcuma ou de graines de chia
dans les grandes prairies caillouteuses.
Évidemment…
Je vois…
…les copains de mes enfants
jamais malades et en pleine croissance
alors qu’ils mangent dix fois plus
de sucreries et de gâteaux.
Mais ils courent toute la journée
et leurs parents sont détendus.
Ils n’ont pas peur, eux.
…mes enfants frustrés
qui mangent tout parfait
et qui ont quand-même
le teint pâle et des cernes.
Alors qu’ils sont tout beaux, tout roses,
après une semaine de vacances
à prendre l’air et bouger
même s’ils mangent au resto du club
tout ce qu’ils peuvent trouver.
Et cet ami en perma-culture
qui m’a expliqué il y a quelques semaines
que la nature avait besoin de stress
pour fonctionner :
« Comme les bains glacés dans les pays du nord
pour motiver le corps à avoir chaud.
Alors que nous avons toujours froid
à force d’être dans des zones ou l’air est conditionné
toujours à la même température… »
Voilà donc pourquoi ceux qui mangent toujours « sain »
ne supportent pas un burger
alors que ceux qui ont l’habitude
des stress alimentaires
gèrent très bien n’importe quel écart ?
Je repense à cette formation sur la symbolique des aliments :
Le corps veut manger
ce dont il a besoin émotionnellement.
Ce que représente pour lui ce qu’il mange :
liberté, amour, joie, vie, partage
tout ce qui est lié à un souvenir agréable…
Je repense à ma formation en somatotherapie :
la forme du corps, son poids ou sa santé
parlent de ses besoins et ses blessures
à rencontrer. Pour le reste, le corps s’adapte.
Il est conçu pour ça.
…ses blessures…
…comme ma privation
ou ma peur de malbouffe.
Je reviens dans cette cuisine devant mon amie.
Elle me parle de cette femme que nous connaissons :
hyper healthy en tout et décédée avant 50 ans…
…et des crooners de jazz
qui fument et picolent leur whisky
et qui meurent vieux et heureux
à jouer de la musique comme on respire.
Je pense à ce village de centenaires italiens
qui mangeaient carné, lourd et buvait du vin,
mais faisaient la fête toutes les semaines
avec de grandes tablées
pleines de rires et de chansons…
La joie maintient à elle seule
le système immunitaire à son plus haut potentiel…
Je rentre chez moi et je passe pendre
ma fille à l’école. On va à Casino
et je lui laisse choisir son goûter.
Un goûter industriel.
Évidemment, je préfère le zéro déchets,
le fait maison, et surtout donner mon argent
aux entreprises qui encouragent
la planète que je veux pour mes enfants.
Donc les gâteaux industriels
ce n’est pas mon truc.
Mais le fait est : je n’ai plus peur.
Elle prend un paquet de bonbon
et un paquet de gâteaux et je n’ai plus peur
de ce qu’elle va manger.
…allez, soyons fous…
je m’achète un paquet de M&M’s.
Je m’en descends la moitié.
Tiens ?
Cette fois j’arrive à m’arrêter
sans problème quand je n’en veux plus…
Tiens ?
Cette fois je ne suis pas malade après…
…la peur est sortie et ses effets avec elle.
Vivement la prochaine carte au trésor…