De la honte à l’évidence
France-Portugal, un soir de juin 2021.
Mon mari transmet ses valeurs à mon fils.
J’écoute, ouverte…
même si je suis pas foot.
Cristiano Ronaldo
Une hygiène de vie impeccable
capable de virer son coca
et de le remplacer par une bouteille l’eau
en pleine conférence de presse.
Hygiène de vie impeccable…
au top de son potentiel…
et « multimilardaire » semble-t-il.
…Et moi…
avec mes tartines de Tarama…
mes Monaco de Belin et ma pizza,
devenue incapable de me lever le matin
Je ne suis même plus capable de me coucher tôt.
Mince…`
Le soir, je suis vidée.
Mon manque de discipline m’empêche d’avancer
et je n’arrive pas à changer.
Je sais maintenant que rien en moi
ne cherche à me saboter.
C’est mon enfant intérieur,
comme s’il me disait :
« ben pisque c’est comme ça… »
et se révoltait par mes addictions.
Signe que j’ai encore des souffrances à rencontrer.
Carte au trésor…
Pour celle-là, je vais me faire accompagner.
Ce problème fait tellement parti de moi
il est impossible que je le vois.
L’émotion est trop forte à traverser toute seule.
Rendez-vous chez ma somatothérapeute…
Je mets les mots.
Je réalise en lui disant ce que je vis au quotidien :
« Je donne tout, à tout le monde,
tout, toute la journée, sans réussir à prendre une pause.
Et je me retrouve le soir, vidée.
Je n’ai plus la force de rien à part manger.
même pas celle d’aller me coucher
car quand je dors c’est en étant pressée de me réveiller
pour pouvoir faire tout ce qui reste.
D’ailleurs si je vais dormir,
ma journée n’aura eu vraiment rien de fun.
Je donne tout même à chaque patient
quitte à dépasser systématiquement
le temps de la séance
pour le même montant. »
Je lui raconte les séances à rallonge,
les patients libérés, ravis
qui vivent 5 séances en une.
Ils ont plus, pour le même prix.
Je lui explique tous mes comptes à zéro.
« Je n’aurais bientôt même plus les moyens de travailler.
C’est quand même bête,
je vais pas chercher un emploi salarié
et jeter tout ce que j’ai acquis de compétence et savoir faire
juste parce que j’ose pas me faire payer ! »
Je luis raconte tout ce qui n’entre jamais
(repos, joie, temps, détente, argent)
rien à part la nourriture
et encore, la nourriture de merde
qui ne nourrit pas vraiment.
La nourriture qui compense.
La nourriture d’enfant…
Et quelque chose en moi se révolte enfin:
« Je veux être nourrie !
J’en ai marre ! Je veux n’être nourrie que de bon.
Je veux une hygiène de vie parfaite moi aussi !
Je veux me sentir bien pour avoir toujours envie
d’être là pour mes patients et les autres ».
« Voilà, c’est ton cadre, me répond-elle.
Ce que tu veux pour toi.
Il s’agit simplement d’assumer ce que tu veux,
définir que chez toi c’est 1h20 pour 90€
et c’est comme ça »
Oups… déflagration dedans.
Impossible de demander autant…
La terreur envahit tout mon corps.
La sensation est insupportable…
La carte au trésor continue…
« Notre peur la plus profonde
est celle d’être puissant au delà de toute limite ».
Non, c’est pas ça, je l’ai déjà faite celle-là.
C’est autre chose…
c’est juste que…
« Ils vont me prendre pour une voleuse ! »
Oui c’est ça… j’ai peur qu’ils pensent être volés
que sous prétexte que j’ai cette compétence
après 10 années de travail acharné
je me permette de faire un prix plus élevé.
Elle sourit.
C’est précisément parce que c’est ce niveau de qualité
que le prix est justifié
car il faudra beaucoup moins de temps
pour un résultat qui sera supérieur.
Ça s’appelle l’expérience et ça a de la valeur.
Je sens alors que je n’attirerai plus les patients
qui ont besoin qu’on leur fasse un prix.
Oui mais en même temps si je n’ose pas me faire payer
je ne les accompagne pas à se faire payer eux-mêmes.
Je vais dans leur sens et cautionne pour eux
qu’ils se laissent être sous-payés aussi…
La valeur de ce qu’on s’offre est celle que l’on se donne.
OK. Etre pleinement. Toute entière. Exister. Oser.
Je sens tout ce que je devrais faire.
Je sais ce qu’il est juste de faire.
Pourtant la panique continue de monter.
« Je suis terrifiée, c’est comme si…
un bébé me mangeait le ventre.
– ça ne t’appartient pas.
C’est quelque chose que tu portes
et qui parle de ta mère.
Ma mère…
elle m’accordait du temps pour faire les courses
l’aider au ménage, au jardin.
Je ne me souviens pas
qu’on ait jamais pris le temps de jouer
comme ça, pour rien.
Si j’insistais elle me culpabilisait
par des phrases bien senties
pour évacuer sa culpabilité
à être incapable de rester avec moi
pour aller sauver le monde
« Déjà que je ne voulais pas d’enfant,
Moi je voulais être médecin sans frontière
pour sauver les enfants d’Afrique ».
J’ai été là pour aider, rendre service,
pas pour moi, pour le simple fait d’exister.
Je me souviens la phrase de ma marraine :
« L’estime de soi d’un enfant
est proportionnelle au temps gratuit passé avec lui
sans logistique ni objectif. »
Alors quoi ?
Je n’ai pas appris que j’avais de la valeur ?
Oh bon sang, mais c’est tellement ça !
Je revois soudain tous les exemples
où je n’arrive pas à exister encore aujourd’hui…
A la maison où j’ai pris le rôle de la bonne
sans retour particulier.
Avec les amis d’enfance
qui me voient encore comme si j’avais 16 ans
sans voir qui je suis aujourd’hui.
Certains semblent avoir besoin
que je reste dans mon rôle de petite,
d’imbécile ou donneuse de leçon
ces rôles que je ne suis plus.
C’est comme si ça les arrangeait.
Ils répondent même à des phrases
que j’aurais pu dire à l’époque
et que je n’ai pas prononcées.
« Mince, c’est moi le problème ?
-Oui, me répond-elle,
c’est l’information que tu véhicules, toi.
Et tant qu’elle sera là, ça ne passera pas.
Tu attires ça.
Et cette information, tu l’as dites :
« Je suis là pour rendre service,
pas pour exister »
Ben oui, je sais, c’est mon métier.
Et je sais aussi qu’une fois la croyance évacuée,
le monde autour de moi va changer.
Mais si c’est une croyance…
ça veut dire que c’est pas vrai ?
J’ai le droit d’exister ?
Pas seulement pour donner, être utile ou disponible?
Aïe, rien qu’à cette idée
l’angoisse monte encore plus fort,
comme si j’allais mourir
en assumant le prix à faire payer.
Je ne veux pas y aller….
Me voici au coeur de la carte au trésor.
C’est le plus dur, là où on voudrait se sauver.
Je me souviens ma patiente la semaine dernière
qui luttais pour ne pas sentir.
Rassurez-vous, une fois la peur contactée
une ressource prendra sa place et tout deviendra facile…
Aller Charly, on y va.
Juste après ça, ça ira…
« Aller, il est temps de rendre cette croyance
me dit ma thérapeute. »
Sans trop savoir pourquoi,
je suis venue avec ma peluche,
une grosse pieuvre rose
que j’ai acheté sur un coup de coeur.
Alors je mets la pieuvre devant moi.
Elle va faire ma mère de l’époque.
Je prends un coussin qui sera ce dont je ne veux plus :
« maman, je te rends ta peur
que je peux te « dévorer de l’intérieur »,
que je prends trop de place,
que l’enfant dérange la carrière ou la vie.
C’est ta peur et elle t’appartient.
Je n’en ai plus besoin.
J’ai le droit d’exister, j’ai une place ».
Ça ne marchera pas, c’est juste un coussin.
Et je le pose devant la pieuvre.
Soudain, l’émotion monte
les larmes affluent, c’était bien ça…
Il était temps…
Et tout sort,
je gémis et puis je pleure à gros sanglots
comme un enfant.
Je hurle 40 années de peur
peur de prendre trop de place
peur de déranger
qui m’ont fait passer du silence
d’être cachée à être en excès
donnant ainsi de nouvelles raisons à cette peur d’exister.
Je hurle 40 années à me sentir de trop,
40 années à ne pas pouvoir me reposer,
car prendre le temps pour soi,
c’était prendre le droit d’exister.
Je hurle ces mois passés
à ne pas me laisser l’espace d’écrire mon livre
et à en faire des postes Facebook pour d’autres,
pour être « utile ».
Je hurle la peur d’écrire tout ça,
d’assumer ce post narcissique là
de me laisser exister
tout entière sans rien censurer.
Je hurle en continue
et c’est comme si toutes ces souffrances
ces interdits, ces « empêchée » sortaient.
Je hurle et ça s’apaise d’un coup.
Puis mon corps réagit
J’ai besoin d’inspirer.
Expirer, inspirer…
inspirer, inspirer encore…
et encore… comme si…
j’étais en train de me regonfler.
Une vie à tenter de ne pas déranger,
des bras et des jambes fines
49 kg pour 1,72 m quelle que soit
la quantité de nourriture avalée
comme si mon corps ne voulait
pas prendre trop de place.*
Le droit de faire payer.
Le droit à une intimité et ouvrir mon cabinet.
Le droit de ne pas tout donner
et le droit d’en conserver.
Le droit de se reposer.
Ça fait du bien quand c’est sorti…
« Il aura fallu 10 ans pour y arriver ».
Je repense à mon thérapeute
qui m’avait fait m’arrêter
« Votre boite aura une dir’ com
ou votre fils aura une mère ».
Il m’aura fallu le temps du processus
pour tout enlever.
Je réalise alors que dans mes séances
je veux tout enlever à mes patients.
Tout enlever en une seule fois
pour ne plus qu’ils souffrent.
Sauf qu’il faut le temps de procéder, d’intégrer.
C’est un chemin que j’ai fait.
Laisser monter, le sortir, découvrir sa ressource, l’intégrer,
l’installer avant de passer à la suivante.
Et ce chemin est délicieux, en réalité.
Il permet de gouter à nouveau le plaisir de renaitre à la vie,
Il permet de savourer chaque trésor retrouvé.
Il est surtout nécessaire pour me laisser
le temps de recouvrer ma sécurité intérieure
pour pouvoir passer au niveau supérieur.
C’est le principe même de ce « jeu ».
Faire plusieurs petites séances ce n’est pas non plus voler.
C’est laisser le temps au processus de se faire.
C’est le principe de ce métier.
Et comme dans chaque métier, le temps et nécessaire.
C’est un gage de qualité
pas un manque de compétence.
Il est 9h40 et notre séance est fini.
Bon, alors je vais partie…
« Et pourtant là, on ne fait pas payer moins ?
C’est pas logique…
-Oui c’est 65 euros la séance, me répond-elle
que ce soit 20 min ou 1h20.
Car ça arrive aussi de dépasser.
-Et bien moi c’est toujours 1h20
-alors c’est qu’il y a un problème,
soit tu ne fais pas payer le prix juste
car ta façon de faire est différente,
soit tu en donnes trop
pendant la séance proposée ».
Je réalise alors que la première carte
dure souvent 45 minutes
et j’enchaine une seconde séance
pour qu’ils repartent encore plus légers.
C’est pour ça que ça dure 1h20…
« Je veux qu’ils en aient pour leur argent ».
Boom, les mots sont posés.
Voilà le pile et le face dans la même carte au trésor..
Le droit de demander ce qui est juste
et le droit de ne pas donner plus.
Voilà deux choses dépolarisées.
Il reste un quart d’heure…
Je raccroche après l’avoir remerciée.
Je me lève pour aller manger
Ben non, mince…
Je la rappelle…
« C’est pour ça que je voulais tant manger
par peur de ne pas le mériter ?
-Oui maintenant tu peux manger tout ce qui te fait plaisir. »
Je raccroche…
…je n’ai plus envie de rien de particulier.
Tout est aligné, plus rien à compenser.
1 commentaire
Excellent, merci pour ce témoignage.
Sympa le rapprochement avec la façon de s’alimenter. Ça me parle.