S’aimer soi pour aimer l’autre
C’est pas possible !
Depuis qu’on a décidé de divorcer,
tout va bien entre nous.
On rit comme au premier jour.
C’est dingue !?
Il y a un truc à comprendre…
Carte au trésor.
– Comment c’est quand tu le quittes ?
– La pression tombe.
Je n’ai plus besoin qu’il aille bien,
plus à gérer ce qu’il ne gère pas,
à compenser, rattraper, anticiper.
Je le laisse assumer les conséquences de ses choix
et surtout ses non choix.
Je ne lisse plus sa vie
je ne porte plus rien,
je fais ce que je sens
et je ne m’en sens pas coupable.
– Et comment c’est
quand tu n’as plus besoin qu’il aille bien
sans te sentir coupable ?
– Je me sens allégée, libérée.
Je ne suis plus en train de m’adapter.
Je sors du rôle de la femme parfaite.
Je fais en fonction de mes valeurs à moi aussi,
sans me trahir ou me faire violence
sans plus accepter des choses qui ne sont pas moi
et en osant faire ce qui est moi.
Je tiens compte de mes priorités et mes envies aussi.
Je me fais passer avant, car personne ne peut le faire pour moi.
– Et comment c’est quand tu fais plus la femme parfaite ?
– Ben, quand je suis là, ce n’est plus un dû, c’est un plus.
– Et comment c’est quand tu te fais passer avant ?
-Je respire ! Je prends le temps de faire des pauses
de faire ce qui est important pour moi,
voir les gens importants pour moi.
Je me sens libre, droite, pleine, bien dans ma vie.
Je ne suis plus aigrie ou agressive, je suis reposée et nourrie.
– Et comment ça se passe pour lui ?
– … plutôt bien à vrai dire. Et il est soulagée car comme on est ensemble,
je ne peux plus lui faire de critiques ou de reproches, je suis obligée de faire confiance.
– Et comment c’est ça ?
– ça libère ! Je peux oublier un temps la charge domestique,
être à ce que je fais quand je travaille.
Je ne gère plus son lien avec les enfants.
Je ne suis plus la seule qui présente pour eux
alors ils ne sont plus une « charge » obligatoire et subie
qui me rend amère, ils sont une relation
qui me manque et que j’ai hâte de voir.
– Et quand il n’est plus là pour toi,
comment c’est ?
– Ben… je n’ai plus d’attente
alors je m’occupe de mes besoins moi-même.
– Et comment c’est quand tu t’occupes de toi, toi-même ?
– Je ne suis plus déçue,
je ne lui fais plus de reproche.
je fais exactement ce dont j’ai besoin
ou bien j’entre en contact avec des gens qui peuvent le faire
je suis donc comblée, sereine, heureuse.
– Ok, si je comprends bien
quand tu le quittes
que tu le laisses gérer les conséquences de ses choix,
sa part domestique,
sans reproches, sans conseils et sans attente
et que tu prends soin de toi, ton métier et tes besoins,
tu es comblée, sereine et heureuse. C’est ça ?
– Oui.
– Et comment c’est entre vous alors ?
– Ben… il n’y a plus de tension.
On n’est plus sur la défensive ni l’un ni l’autre.
On ne s’affronte plus, on ne subit plus l’autre.
On se prend en charge de façon équilibrée.
On échange de façon constructive
pour que ça se passe au mieux
sans chercher de coupable.
On parle d’autre chose…
On rit, on danse, on est complices
et même un peu plus que ça…
– Ok, alors comment ce serait d’être tout ça
En restant en couple.
– …?
– Comment ce serait de le laisser gérer sa part
et de prendre soin de toi, ton repos, ton travail et ta vie
tout en étant en couple ?
– …ce serait top… mais… c’est… impossible.
Je peux pas juste m’en foutre et le laisser gérer…
Si je l’aime, je dois l’aider !
– Tu dois « l’aider » ?
Comment c’est quand tu « l’aides » ?
– … ben, j’étouffe.
Je passe mon énergie à tout gérer,
à anticiper tout pour qu’il soit bien
et compenser à l’intérieur
tous les non qu’il ne sait pas dire à l’extérieur.
Je passe après tout et il ne le voit même pas.
Il n’a pas d’attentions, de séduction,
de désir tellement il est fatigué par le boulot.
J’attends de lui qu’il fasse pareil que moi,
me faire passer avant.
Comme il ne le fait pas, je lui en veux.
Je deviens aigrie. Je ne supporte plus rien
parce que tout est déjà trop.
Alors je l’assomme de reproches qu’il ne comprend pas.
Je deviens la méchante de son histoire
et je me fais envoyer balader. C’est un cercle vicieux…
– Comment ce serait d’être en couple et de ne pas faire tout ça ?
– Ben… si je n’absorbe pas ce qui est compliqué pour lui
sa charge à la maison ça va se cumuler aux problèmes pro et perso
qu’il ne règle pas…
– Et ?
– Et ça va faire trop, il risque d’aller mal…
– Et ?
– …mais c’est monstrueux !
– Ok. Comment ça aurait été
si tu avais toujours porté ton fils
pour lui éviter de tomber ?
– Il n’aurait jamais appris à marcher…
Je vois pas le rapport…
– Ok, comment c’était pour toi
quand toi tu as tout tout géré sans que lui soit là pour t’aider
parce qu’il ne voyait même pas tout ce que tu faisais
et que tu étais fière de tout assumer toute seule ?
– J’ai fait un burn out puis une tumeur au sein, puis une dépression
J’avais juste envie de mourir.
– Et ?
– Et j’ai du vivre tout ça, sans échappatoire.
– Et ?
– J’ai sombré
– Et ?
– Et je suis allée voir quelqu’un pour m’accompagner.
J’ai cherché la sortie avec des livres, des formations, des thérapies.
ça a un peu aidé… Mais tout est revenu.
J’ai finalement sombré dans une « nuit noire de l’âme ».
Et une fois le pire vraiment traversé sans chercher à l’éviter
les peurs étaient dissoutes et les conditionnements
qui m’empêchaient d’agir autrement avec.
C’est comme ça que j’ai compris le principe de la carte au trésor…
De nouvelles ressources ont émergé alors naturellement : poser des limites,
prendre du temps pour moi, oser être autrement…
Des idées nouvelles ont germé avec de nouvelles opportunités.
– Et ?
– Et finalement toute ma vie a changé naturellement…
Et aujourd’hui j’adore ma vie…
– Comment ça aurait été si quelqu’un t’avait « aidée »,
en absorbant le trop plein de travail pour éviter que tu ne tombes malade ?
– Je serais restée dans la même logique et rien n’aurait changé.
Je serais passée à côté de ma vie en pensant que tout était normal.
dans tous les cas j’aurais fini dans le mur je pense.
– Et si on t’avait imposé des solutions extérieures ?
– Je me serais braquée et j’aurais persévéré dans mon erreur
pour prouver que j’avais raison.
Il fallait que j’aille au bout de mon système toute seule
et que j’en vive seule les conséquences
pour toucher du doigt que ça ne marchait pas.
– Comment c’est de t’entendre dire ça ?
– C’est logique, c’est mon métier.
– Est-ce que tu « aides » tes patients ?
– Non, je les écoute. Puis je les accompagne à
entendre leurs propres mots, leurs besoins réels,
et le langage de leur corps,
à traverser leurs douleurs, leurs peurs,
jusqu’à ce qu’elles soient ex-primées et donc dissoutes
et qu’émergent leurs propres ressources cachées derrières
et leurs propres solutions.
Je leur laisse leur entière souveraineté.
– Ok, alors, comment ce serait d’être en couple
et de t’occuper simplement de toi et de ta part à toi
en lui laissant la souveraineté sur sa vie
et vivre les conséquences de ses actes ?
– Ce serait… juste.
Allégée de la culpabilité, je serais même disponible
pour l’écouter sans lui chercher des solutions.
Je ne serais plus la méchante mais le havre de paix.
– Et ça, ça s’appelle aimer.
C’est le rôle d’un partenaire de vie,
d’un parent, d’une amie, le rôle d’un Dieu aussi :
ne pas intervenir mais écouter
jusqu’à ce que la personne sente son émotion profonde,
réalise sa croyance erronée, sa peur,
ou la blessure à l’origine de son problème
et trouve ainsi son propre chemin, sa sortie…
– oui… une carte au trésor quoi… »
J’imagine alors faire ce que je n’ai jamais réussi :
lâcher prise, renoncer à tout gérer.
Le laisser être contrarié
et même me faire des reproches
sans rien changer pour autant
si mes choix me semblent justes pour moi.
Une sensation d’angoisse monte fort…
Suite de la carte au trésor
C’est… un détachement
…comme si je tombais dans le vide.
Puis j’étouffe, comme si une main m’agrippait la gorge,
j’ai envie de vomir.
Puis montent les larmes, les pleurs
et les mots qui vont avec…
… »je suis désolée »…
Et, comme toujours, tout s’apaise.
Et je vois les choses sous un autre angle…
Je me vois le laisser faire, être, râler, sans rien porter.
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