« Ce n’est pas du soutien ce que tu me proposes,
c’est une relation de dépendance.
Je vais me débrouiller toute seule ».
Son sms me fige.
Je sais que ça fait partie de sa carte au trésor à elle,
mais ça vient réveiller une carte au trésor chez moi.
C’est toujours comme ça,
on se fait miroir les uns les autres.
C’est beau…
J’ai toujours eu cette peur
en disant aux gens qu’il fallait plusieurs séances
et que les cartes se dévoilaient
au fur et à mesure de la vie.
L’impression de faire de l’argent
sur le malheur des gens.
La certitude aussi
que si j’étais vraiment efficace,
un seul rendez-vous résoudrait tout.
Carte au trésor.
Je respire.
Je laisse monter la peur que déclenche ses mots.
La sensation monte, se diffuse partout…
…et ça passe.
Et le voile se lève :
je vois les choses
à la lumière de mon expérience
personnelle et professionnelle.
Quand je prends mon pain tous les matins,
je ne me sens pas dépendante du boulanger.
J’ai plaisir à manger son pain
parce que je l’ai choisi
que je le trouve bon
et que ça me fait plaisir de le manger.
Pareil pour mes thérapeutes.
Quand je vais chez le coiffeur,
le vendeur de légumes
je ne me sens pas dépendante.
Je pourrais certes me couper les cheveux moi-même
et cultiver mes propres légumes
mais ce n’est pas mon métier
et ça me prendra plus de temps
pour un résultat incertain.
Pareil pour le thérapeute.
Je pense à cet homme qui est venu faire les travaux chez moi.
Il disait tout savoir faire bien,
mais n’a rien su faire vraiment.
Je l’ai appris à mes dépends :
Etre plombier c’est un métier
qui s’apprend par une formation
et plein d’années d’expérience
en tant qu’apprenti.
Pareil pour l’électricien, le peintre, le menuisier.
Si je pense que je peux tout faire tout seul,
je risque de subir des dégâts
que je ne soupçonne pas
et qui n’arriveront pas
si je me fais accompagner
par un professionnel de qualité.
Pareil pour le thérapeute.
Un bon thérapeute bien sûr,
celui qui ne m’accompagne que sur le thème
où sa vie à lui est alignée
parce qu’il a déjà traversé
la peur concernée.
Je repense à tout ce temps
où je n’avais aucun mal à aider
mais je ne supportais pas de devoir être aidée :
enfant quand j’étais aidée
c’était sous certaines conditions.
Mieux valait donc ne pas être aidée du tout.
C’est pourquoi j’ai voulu inventer une façon de faire
qui rendent les gens indépendants.
Mais je n’ai pas trouvé,
et j’ai toujours moi-même encore besoin de l’Autre
pour accueillir ma peine
entendre mes croyances
et me soutenir dans mes peur.
Et c’est ainsi que j’ai découvert
le plus grand des trésors :
l’inter-dépendance.
La magie qui opère
quand chacun donne au monde
ce qu’il sait faire d’unique
et que chacun reçoit des autres
ce que l’autre sait faire lui.
Le monde tend alors à sa perfection.
Nous sommes tous là
les uns pour les autres
qu’il n’y a pas de concurrence
et l’argent est juste cette énergie de service
qui circule et reconnait la valeur de l’autre.
Et de toutes façon,
étant donné ce qui sort à chaque séance,
vous ne survivriez pas à tout sortir d’un coup !