Avant, quand je rencontrais quelqu’un
je lui parlais sans vraiment écouter.
J’essayais surtout de savoir
s’il était supérieur ou inférieur à moi.
Comme si le but de la vie était de m’élever.
Il y avait ceux qui étaient plus évolués
et dont je devais m’inspirer
et ceux, plus bas à qui je pouvais tendre la main.
Les premiers avaient tout mon intérêt
et les seconds ma compassion.
Quel mépris…
Quelle erreur !
C’est très humain ça,
l’idée que dans la vie
il faut « monter ».
Il faut passer dans la classe « supérieure ».
Quand un camarade est doué
dans un domaine
on dit qu’il est « en avance »
par rapport aux autres
sans se poser la question
« mais alors, dans quel domaine
est-il en retard ? ».
Quand on fait un sport,
on vise la première marche du podium.
On oublie qu’il a été créé
uniquement pour se divertir
on en perd le plaisir
celui d’échanger
au lieu de s’affronter ou se comparer…
Au travail plus tard,
on « grimpe » les échelons.
On parle de « niveau hiérarchique »`
sans réaliser que le management
est un métier comme un autre
et que mon hiérarchique
ne m’est en rien supérieur.
Un bon informaticien
ne fait pas forcément
un bon chef du service informatique.
De même que sans les exécutants,
un manager n’arrive à rien.
Arrêtez-vous, respirez, c’est fini :
il n’y a pas de niveau, pas besoin de monter,
personne n’est supérieur à vous
et vous n’êtes supérieur à personne.
Le jeu se joue à plat,
nous sommes tous au même niveau.
Chacun a en lui un morceau de la solution
chacun est un indice pour les autres.
Il n’y a pas de niveau à atteindre
de leçon à apprendre
pour passer à une vie supérieure,
il y a une unité à réaliser.
Unité en moi
Unité avec l’autre,
grâce à l’autre.
Comment ? Et bien c’est ça le jeu :
Chaque personne que je rencontre
est une pièce de mon puzzle
comme je suis une pièce du sien.
Si une personne me semble supérieure à moi
ou si je me sens supérieure à elle,
c’est le signe qu’une partie commence.
Tant que je ne peux pas l’aimer
sans l’idéaliser ou la juger
la partie n’est pas terminée.
Et la boucle est bouclée
quand l’échange a été fait.
On le sent parce que la relation
est apaisée des deux côtés
que chacun se sent l’égale de l’autre.
Si j’ai compris ce qu’elle a à m’enseigner
mais qu’elle se sent toujours
supérieure à moi
elle n’a toujours pas trouvé sa pièce
et ça va se rejouer avec quelqu’un d’autre.
Et vous savez la meilleure ?
C’est la même pièce !
Elle a à trouver de moi
ce que j’ai à trouver d’elle !
Magique ! Et si simple…
Pas de gentil, pas de méchant
Pas de plus évolué non plus :
je rencontre chaque personne
pour une bonne raison.
1. Celui qui me fait me sentir inférieure
possède simplement une qualité
que j’ai déjà en moi
et qu’il me faut retrouver
Elle n’a pas été reconnue
lorsque j’étais enfant.
2. Celui qui me semble neutre
a un trésor caché que je n’ai pas encore perçu.
3. Mieux ! Celui dont je me sens supérieure
que je juge, rejette ou méprise
possède une qualité à laquelle
je n’ai pas eu le droit enfant.
C’est pour ça que je réagis si fort.
Le droit à ses ombres, au repos, à l’impatience
à l’erreur, à la suffisance, à la joie et l’innocence.
Je méprisais cette amie qui se disait fatiguée
moi qui après un cancer et un burn out
étais incapable de m’arrêter avant de dormir à 23h
et me levais tous les matins à 5h
sans jamais me reposer.
Je méprisais ce mari dans son canapé
si l’envie lui prenait
qui jouait simplement avec les enfants
moi qui étais incapable de l’imiter.
Je méprisais cette amie « superficielle »,
bien habillée, maquillée, soignée
moi qui avais été jugée Jézabelle par ma mère,
quand je mettais mon corps en valeur
et traitée de bourge après ma première esthéticienne.
Moi dont les parents sauveurs et corvéables à merci
n’ont jamais su prendre soin d’eux-mêmes.
Je rejetais cette amie qui parlait dans le dos des gens
moi qui parlait d’elle dans son dos,
en me trouvant de bonnes excuses.
« C’est différent ».
J’agressais mes enfants dès qu’ils ne savaient pas
ne réussissaient pas ou prenaient leur temps,
moi qui avais cru devoir être si douée et efficace
de peur d’être critiquée comme ma soeur l’avait été.
J’admirais cette thérapeute si assurée et douée
moi qui ai fini un jour par devoir m’accompagner moi-même
pendant ses séances tant elle ne saisissait pas
la souffrance que mon enfant intérieur rejouait
et s’arrêtait à la projection de ses croyances à elle.
Alors j’ai plongé dans le jeu :
ramener en séance une à une
toutes les personnes qui me faisaient réagir,
soit parce que je me sentais supérieures à elles
soit l’inverse.
Et chacune s’est changée en cadeau.
Parfois j’ai, moi, fait le chemin vers elle
pour comprendre comment
mon mépris parlait de moi
mais l’autre à continuer à me juger,
sans prendre le temps d’aller plus loin.
Je sais qu’alors mon enfant intérieur
se sent blessé d’être ainsi mal perçu
et je le rassure en lui disant tout bas
« tu n’es pas ce que les gens voient de toi ».
Et je sais que toutes ces personnes
trouveront leur chemin
comme j’ai trouvé le mien.
Oups ! Non pardon, pas leur « chemin » !
Il n’y a nulle part ou aller
pas de marches à monter
pas de points à marquer
pas mieux ailleurs ni après
juste à ouvrir les yeux
pour détecter au-dehors
ce qu’il me reste à trouver dedans
pour m’aimer tout entier
et attirer la vie qui va avec.