La dépendance affective
Il vient de faire une carte au trésor
C’est bon, il est aligné.
Il est lui, juste, posé, vrai, en lien avec moi,
et droit dans ses bottes,
Il tient.
C’est fini alors… hein ?
Enfin, s’il va bien, tout va bien se passer…
On va être bien.
Je vais être bien !
Et pourtant non.
C’est encore pire…
Que se passe-t-il ?
Carte au trésor.
Mes jambes flagellent,
ma peau fourmille,
j’ai la nausée.
C’est comme si…
j’avais une fuite d’énergie.
Je laisse faire mon corps…
ça ne marche pas.
C’est violent, je n’arrive plus à rien.
J’angoisse, je m’agite et j’ai juste envie de remplir
pour ne plus ressentir ce qui se passe dedans.
M’occuper, manger, ranger, téléphoner…
Je remonte alors dans le temps,
quand est-ce que ça a commencé ?
il y a une seconde : il est passé devant moi
et il ne m’a pas regardée.
Deses mots montent avec cette image :
« C’est comme si je n’existais pas ».
Mon nez pique, j’ai envie de pleurer…
Touché.
Mon corps le réclame et semble hurler :
« Tu es bien maintenant alors tout doit changer !
Tu dois me regarder avec tendresse,
me chercher, me désirer continuellement.
Tu dois me dire que je suis bien, que tu m’aimes,
tu dois reconnaitre ce que je vaux.
Je le fais sans arrêt moi !
Tu dois être au petit soin
de l’ensemble de mes besoins
comme Brad Pitt dans les films américains.
Tu dois venir combler ce vide intérieur qui me torture ! »
Il passe et ne me regarde pas.
Il fait ce qu’il a faire pour lui, pour la maison et les enfants,
sans attendre de compliments… lui.
Il est juste, aligné, droit.
Moi… je suis bancale.
Je le sens, c’est ahurissant.
Quand il ne me regarde pas,
c’est comme si je n’existais pas.
Mon corps tout entier appelle, comme s’il avait besoin
de fusionner avec le sien, de son regard pour exister.
« Aime-moi !
Complimente-moi !
Valide-moi !
Reconnais-moi !
Regarde-moi !
Sans ça, je n’existe pas.
Aucun compliment ne me nourrit
comme tes marques d’amour à toi ».
C’est n’importe quoi,
C’est excessif !
Peut-être mais c’est bien ça qui est là.
Et une carte au trésor, c’est rencontrer ce qui est là.
Allons voir :
J’ai besoin de me sentir le centre de son monde.
Est-ce que c’est pour ça que je fais tout ça dans la maison
sans jamais me reposer ?
Pour qu’il soit reconnaissant ?
On dirait une petite fille qui attend les compliments
de son papa…
Est-ce que c’est pour ça que je l’appelle autant dans la journée
en trouvant n’importe quelle excuse pour entendre sa voix
ou lui dire ce que je fais ?
Est-ce pour ça que je le valorise sans arrêt ?
J’attends qu’il fasse cela pour moi ?
Est-ce pour ça que je lui dis autant » je t’aime » ?
Parce que j’ai besoin de l’entendre ?
Est-ce pour ça que, peine perdue
je l’assomme de reproches,
comme une droguée en manque d’amour
incapable de nourrir de l’intérieur
mon besoin de reconnaissance
d’ancrer mon estime de moi
lorsque je n’ai pas de retour positif ?
C’est cette charge là, m’aimer, que je lui fais porter ?
Et faute de sentir mon besoin comblé,
je réagis par l’agressivité ?
C’est pour ça que je me sens si bien quand je le quitte ?
Quand le lien se rompt, mes attentes tombent,
et ne sont donc plus frustrées,
je suis obligée de tenir sur mes pieds…
La charge se reporte alors
sur mes enfants, mon travail, mes amies…
Je ne tiens pas sur mes pieds.
J’ai besoin de l’autre pour me reconnaitre.
J’ai besoin de son amour pour pouvoir m’aimer.
Et pourtant je sais que
c’est un trou sans fond :
quoi qu’il me dise, ce ne sera jamais assez
car à la seconde où je prendrais un reproche,
une remarque contraire, je vais m’effondrer
ou contre-attaquer…
C’est comme si je le vampirisais :
Sexy ou compétente,
dépressive ou culpabilisante,
j’attire inlassablement son attention.
Je me nourris de son regard.
Ce n’est pas son rôle et encore moins celui d’un enfant
de combler mon besoin d’être vue et reconnue.
C’est à moi de m’aimer, en moi.
Savoir ce que je vaux
pour être sereine et posée,
indépendante et stable,
que le lien soit équilibré,
et pouvoir enfin exister,
quoi qu’il dise depuis ce qu’il est.
C’est à chacun se porter, l’autre n’a pas à nous panser
il a déjà sa propre âme à aimer…
******
J’ai besoin de l’appeler
comme on a besoin d’une tablette de chocolat.
J’appelle.
« Je sens que j’ai besoin de toi et que c’est déséquilibré.
Tu n’as pas à porter ça, c’est à moi de le combler.
Ça doit être une mémoire ancestrale
de la femme qui s’est mise au service de l’homme
quand elle s’est crue plus faible que lui
incapable de se débrouiller.
Ou bien une blessure de mon enfant intérieure
de ces générations de pères absents et exigeants
pour qui on n’était jamais assez ».
Il me répond :
« En même temps, dès que l’homme sent que la femme n’a plus besoin de lui,
il est malheureux aussi, c’est un équilibre à retrouver…».
Je raccroche et je me prends à rêver :
Imagines que chacun tienne sur ses pieds ?
Je n’ai pas besoin de ton regard sur moi
et tu retrouves le droit d’être centré sur toi ?
Tu n’aies pas besoin que j’ai besoin de toi
et je retrouve le droit d’être puissante et de me débrouiller ?
Alors on sortirait
de cette dépendance affective
où, fragile, elle a besoin de sa reconnaissance
et de son soutien
pour se sentir forte et digne d’être aimée.
Où, fragile, il a besoin de son admiration
et de son besoin de soutien
pour se sentir fort et digne d’être aimé.
Récupérer son féminin sacré
Récupérer son masculin sacré
Parvenir à cet équilibre
de deux êtres entiers
pleins et réalisés
présents en cas de difficulté
mais sans attente l’un sur l’autre.
Deux êtres ensemble par choix
et non plus par besoin
qui s’aiment pour pouvoir s’entre-aider
sans avoir à se porter…
Il me semble que c’est à notre portée.