De la pression à la compassion
Il insiste… « S’il te plait, demande… »
Il veut vraiment rester à la deuxième garderie.
Il fait nuit, il fait froid, sa mère est venue le chercher
mais il préfère rester à l’école avec ses copains
jusqu’à 18h30. Ça devient presque une habitude…
Il insiste et il sent qu’elle ne va pas céder, pas cette fois.
Soudain, ses yeux deviennent rouges et les larmes montent…
« S’il te plait… s’il te plait, demande si je peux rester ».
Ses larmes montent et elles sont légitimes :
Il a vraiment envie de rester.
Un enfant a tellement peu d’influence
sur sa vie et son emploi du temps.
Il ressent ses envies sans avoir la liberté de les réaliser.
Elle sont soumises au « oui » de sa mère.
Du point de vue de son adulte intérieur, c’est insupportable.
Elle veut rentrer et c’est légitime.
Il lui reste toutes ses tâches de mère à faire en rentrant.
Etre mère surtout mère célibataire demande déjà tellement d’énergie
revenir en plein nuit le chercher pour 45 minutes d’étude en plus,
c’est beaucoup de demandé.
Mais son enfant intérieur à elle sait combien il veut jouer.
Et quand les larmes montent, son coeur de mère se brise.
Elle a la sensation qu’il souffre.
S’il pleure c’est qu’il souffre non ?
Pleurer c’est un signe de douleur ?…
La culpabilité monte.
Elle pense à tout ce qu’elle ne fait pas bien, pas assez.
Tout ce dont elle estime qu’il manque.
Elle s’en veut et commence à céder.
Le responsable des animateurs s’approche
et lui demande pourquoi il pleure.
Son positionnement peut faire tout basculer
dans un sens ou dans l’autre. Un soutien extérieur :
« vous pouvez pas revenir dans une heure ? »
Les larmes vont gagner…
Depuis l’extérieur, je suis protégée de mes sentiments.
Je reçois alors un enseignement :
Moi qui suis toujours du côté de l’enfant qui pleure
quitte à m’oublier moi ou à demander à mon ainé de s’adapter
je vois soudain les choses différemment.
Les larmes ne sont pas le signe d’une souffrance.
Elles ex-priment le surplus d’une sensation trop forte :
La collision entre désir et refus.
Les larmes signe la frustration, voire l’impuissance
selon la force du désir ou la fréquence, la violence
ou l’intransigeante du refus.
L’enfant ne teste pas, il ne fait pas semblant de pleurer.
Les larmes ne sont pas une prise de pouvoir sur l’adulte
elles sont nécessaires pour évacuer l’émotion
afin qu’elle ne se change pas en haine ou en colère.
Parfois, il est nécessaire de reconnaitre notre intransigeance
et de lâcher du leste pour faire de la place aux besoins de l’enfant.
En même temps, Si dès que l’enfant pleure je lui cède,
il prend le pouvoir sur moi et je n’existe plus.
Je risque moi je finir pleine de haine et de colère,
de cette colère qui me redresse quand je n’en peux plus,
que mon enfant recevra plus tard sous une autre forme.
Parfois il est donc nécessaire de laisser être le désir
sans pour autant y répondre.
Apprendre à l’enfant à traverser la frustration et y survivre
en laissant les larmes sortir son émotion.
Mince est la limite entre abus de pouvoir
et légitimité de l’adulte à ne pas vouloir…
Et si les mères se laissaient le droit de ressentir leurs émotions ?
Elles pourraient elles-aussi pleurer
face à cet enfant dont les larmes créent une pression
sur leur emploi du temps ou leur budget déjà chargé
parce qu’elles pensent que s’il pleure, c’est qu’il souffre
ou qu’elle ont fait quelque chose de mal.
Ben oui, si elles étaient légitimes alors il viendrait sans discuter ?
Ben non. Il a le droit de pleurer.
Mais ce n’est pas celui qui pleure qui a forcément raison.
comme le rire, le pleur est juste une expression
De la même façon d’ailleurs,
ce n’est pas non plus celui qui crie qui a raison.
La colère est une autre forme d’extériorisation
quand on sent son besoin étouffé et qu’on ne sait pas pleurer.
Chez ceux pour qui les larmes n’étaient pas permises enfant
ou bien en grandissant (t’es un grand maintenant, cesse de chougner)
elles se sont changées en colère, en mots blessants,
en soumission, en culpabilisation.
La raison du plus fort est-elle toujours la meilleure..?
Chez certains parents c’est toujours le parent qui a raison
et l’enfant doit se soumettre : parce que le parent est égo-centré
ou parce qu’au contraire, il se fait passer après toute la journée,
alors une fois qu’il est rentré, il n’a plus de patience,
plus d’énergie, plus rien à donner…
Il attend alors de son enfant qu’à son tour, il se fasse passer après.
Plus tard, cet enfant n’aura pas appris qu’il a le droit d’exister
de demander, de dire non, de poser ses limites,
dans sa vie professionnelle ou dans sa vie sociale,
et ses enfants à lui seront à leur tour sa soupape de sécurité.
Chez d’autres parents c’est toujours l’enfant qui a raison
car l’adulte qui n’a pas pu exister enfant veut pour son petit
ce qu’il n’a pas eu lui-même. Ou bien parce qu’absent,
il compense par un excès de permissivité,
quitte à s’oublier totalement, même rentré à la maison.
Si je me choisis toujours, je crée un futur dictateur qui reproduira
ou un futur soumis qui pensera n’avoir aucune légitimité.
Si je choisis toujours l’enfant, je crée un futur soumis qui reproduira
ou un futur dictateur à l’égo surdimensionné
à qui il devient de plus en plus difficile de dire non.
Il n’y a pas de bien ou de mal, pas de mieux.
Il y a l’instant présent.
Dans chaque situation, ressentir
les besoins de chacun, la place de l’autre,
L’équilibre fragile à trouver ensemble.
Fasse aux larmes de mon enfant,
venir sentir mes larmes à moi.
Est-ce qu’elles viennent de ma limite là,
ou d’une limite que je ne mets jamais à l’extérieur
et toujours plus facilement à mon enfant…