De la réussite à la réalisation de Soi
A sa naissance, un bébé ne pense pas à « réussir ».
Il regarde et apprend la vie au contact de ses parents.
Il reproduit par envie, sans effort.
Il aime essayer, toucher, tester,
« jouer » à faire comme les autres.
Il recherche le plaisir du ressenti,
l’expérience nouvelle,
l’extase qui nait quand il réalise
ce qu’il cherchait à faire,
cette sensation d’intense satisfaction.
Ou, mieux, il découvre un autre résultat
qu’il ne juge absolument pas.
Quand il « échoue »
c’est à dire que le résultat ne lui convient pas,
il recommence, sans effort ni déception,
jusqu’à ce qu’il « réussisse ».
Ça n’a pas d’importance en Soi.
Il peut aussi bien faire une pause
ou passer à autre chose.
S’il y revient et qu’il essaye encore
c’est toujours par choix et avec joie.
Or, parfois,
les parents réagissent à ses résultats.
Rien n’est neutre pour eux :
Les parents réagissent
quand l’enfant « réussit » ce qu’il cherche à faire
ou ce qu’eux pensent qu’il doit savoir faire.
Ils félicitent.
Les parents réagissent
si l’enfant ne correspond pas
aux attentes de la maitresse ou aux leurs,
à ce que l’enfant est « supposé » savoir faire
parce que à cet âge d’autres le font
ou parce que c’est important pour certains.
Evidemment, leurs réactions parlent d’eux :
Elles sont le miroir des réactions passées
de leurs propres parents qu’ils ont mémorisées.
Ils ne savent même pas qu’elles ne leur appartiennent pas.
Ce sont des cartes au trésor.
Si les parents ont eux-même peur d’échouer
À tel point qu’ils n’osent pas essayer
et restent dans leur zone de confort,
si les parents réagissent mal aux « échecs » de l’enfant
si les parents « poussent » vers tel ou tel résultat
ou bien se réjouissent trop lorsque l’enfant « réussit »,
l’enfant le sens.
Il polarise alors son résultat :
réussir = bien, échec = mal.
Il a peur de déplaire…
Or, pour garantir sa survie il a besoin
de savoir qu’il est aimé, protégé, vu.
Alors il sort de son expérience propre,
de son propre chemin, de la recherche de réalisation.
Il n’agit plus pour lui, pour grandir, par joie, par choix
et il sort du processus naturel d’apprentissage.
L’enfant peut alors :
- réussir « pour plaire » et juste reproduire l’expérience
du visage souriant de ses parents : « tu as vu maman? » - réussir pour se protéger. Il n’agit pas par joie, conscience ou respect…
Il a juste peur de se faire engueuler. - ne plus oser essayer.
Il reste à son tour en zone de confort. - perdre son insouciance
Il va vivre l’enfance et l’école comme une pression
plutôt qu’un espace d’apprentissage. - développer un stress chronique.
L’enfant ne rit plus, il croit alors que la vie est difficile
et demande du travail et du courage
alors que l’engrais du cerveau est simplement le jeu,
l’enthousiasme, l’envie. - devenir aigri, hostile ou distant,
comme s’il disait à ses parents :
« c’est à cause de toi
que je m’inflige tout ça.
Si tu savais m’aimer comme je suis,
je pourrais simplement vivre ma vie. » - s’écrouler au premier échec s’il à l’habitude de réussir,
- développer des phobies aussi.
- devenir contrôlant sur lui ou les autres
pour reproduire ou évacuer le stress de l’échec latent - perdre toute motivation à travailler à l’adolescence
quand il perd le besoin de plaire à son parent. - perdre de vue ce qu’il est, ce qu’il sait faire,
à force d’avoir cherché à correspondre aux attentes, - ressentir les attentes ou les regrets de ses parents
et passer sa vie à atteindre des objectifs
qui ne sont pas fondamentalement les siens.
Si c’est un enfant qui échoue, il peut surtout
oublier qu’il a d’autres talents
et se sentir inférieur, limiter son développement
sans comprendre que ses qualités sont ailleurs…
Dans tous les cas, inconsciemment
l’enfant prend un chemin qui n’est pas le sien.
Un chemin polarisé, influencé…
L’enfant intérieur risque de se retrouver à 40 ans
à ne plus savoir vraiment
ce qu’il fait là et pourquoi.
C’est ainsi que la formation Faber et Mazlish
enseigne que les compliments
ont un impact tout aussi puissant
que les critiques sur un enfant.
Par ailleurs, parfois les parents sont peu disponibles, peu présents.
L’enfant, lui, a toujours ce besoin d’attention
pour se sentir en sécurité et savoir qu’il a de la valeur.
S’il ne reçoit pas la dose suffisante d’attention, il va ré-agir :
Réussir et faire « bien » toujours pas pour lui-même
mais pour recevoir enfin l’attention : ces compliments
qui valident sa légitimité et le rassurent pour un moment.
Faire « mal », rater, échouer peut-être aussi
pour attirer aussi l’attention
parce que les parents sont bien plus présents
quand leur enfant a des problèmes bizarrement.
Et parfois ce qui semble merveilleux pour un enfant
devient juste normal pour le suivant.
Ce qu’il fait a déjà été fait, c’est devenu normal.
On ne voit de lui que ce que lui ne fait pas.
Quoi qu’il fasse ce n’est pas suffisant.
parce que son ainé continue à faire mieux,
normal il est plus grand.
Lui risque d’échouer
parce que les critiques ou l’inquiétude
c’est toujours mieux que l’indifférence.
Parfois les parents sont plus exigeants
avec celui qui correspond à leur place dans la fratrie.
L’enfant ne le sait pas, le parent n’en a pas conscience.
Lui risque d’échouer parce qu’il se sentira « jamais assez »
et son parent lui fera porter tout ce qu’il a lui-même subit enfant
et qui l’a empêcher de réussir sa vie.
Sans parler des enfants « chouchous »
qui portent le lourd fardeau de devoir toujours correspondre
de peur de ne plus être aimés
s’ils cessent de faire ce qui leur a valu cet amour particulier
ou même être détesté par leur fratrie aussi…
Il y a encore l’enfant apeuré
qui voit sa fratrie soumise aux exigences des parents
et peut alors peut-être développer
des soucis d’apprentissage inconscients
parce qu’un parent est toujours plus doux et compréhensif
avec un enfant « victime », celui qui a un « problème »,
une « raison » de ne pas réussir.
Et tant que la peur est là, le problème ne peut pas partir
Enfin, si les parents récompensent
si la réussite n’est plus une fin en soi
mais soudain un moyen de recevoir
ce qu’on aurait pas reçu sans ça,
l’enfant peut alors :
- Perdre la joie de réussir pour lui-même
et le gout de l’apprentissage : être blasé, non motivé. - Devenir exigeant envers ses parents
comme si, parce qu’il réussit, tout lui est dû - Attirer l’hostilité des autres et de sa fratrie parce qu’il va être jalousé :
réussir devient alors lourd à porter - Perdre son innocence et agir pour obtenir :
ça lui apprend à manipuler, corrompre. - Perdre toute ambition à force d’avoir échoué
et n’avoir jamais été de ceux qui reçoivent les récompenses
et se « planquer » dans un poste salarié loin de son potentiel
parce qu’il est devenu persuadé de ne pas mériter
autant que les autres. Il perd la notion d’abondance. - Perdre du vue que l’Être est nettement plus important que l’avoir
et qu’apprendre et évoluer reste la plus belle des activités
que le but n’est pas la réussite mais bien l’expérience
et ce qu’elle m’enseigne sur moi.
En revanche,
si les parents accompagnent simplement
leur enfant à se développer lui-même
pour gouter l’apprentissage autonome
quels que soient ses résultats
et son rythme d’apprentissage
…si le parent offre un temps de présence suffisant
pour recharger la confiance en lui de son enfant
qu’il sache qu’il est aimé, qu’il en vaut la peine,
sans avoir besoin de faire quoi que ce soit,
…si les parents ne réagissent pas
plus à la réussite ou à l’échec,
qu’ils se réjouissent avec lui quand il réussit
et comprennent son désarroi et le soutienne quand il échoue
s’ils le laissent expérimenter les deux avec la même compassion
s’il sait qu’il sera aimé de toute façon…
alors l’enfant apprend à apprendre.
Il sait qu’il peut réussir aussi bien qu’échouer
et qu’il suffit souvent de persévérer.
Il aura appris à aimer essayer et ressayer
sans avoir à être forcé ni motivé.
Et plus tard, il saura avancer
que ses parents soient là
qu’il s’entende avec eux ou pas
sans chercher à se venger par l’échec
ou à se limiter suite à leurs projection.
Il saura qu’il peut tout
et qu’il n’a qu’à choisir la vie qu’il trouve belle :
il n’a rien à gagner ni à perdre
que sa réalisation personnelle.
C’est en ça que notre enfant,
pour ne pas réagir face à lui,
est notre plus belle source d’indices
de cartes au trésor enfouies.
C’est en ça aussi qu’on réalise
que finalement pour être parent
Il n’y a rien à faire.
Rien d’autre que jouer, rire et l’inspirer
en étant ce qu’on veut qu’il devienne
heureux d’être nous, fier de se dépasser
et être là si l’enfant le demande
Et surtout d’aller voir en soi
tout ce qu’on pensait devoir dire ou faire et pourquoi…